L'origine du patronyme ORANGE

Lorsque l'on lance sur Internet une recherche sur l'étymologie du nom ORANGE, on obtient un résultat de ce genre:

 

C'est dans la Seine-Maritime et la Manche que le nom est le plus répandu. Variante : Orenge. On pensera évidemment à celui qui est originaire de la ville d'Orange, dans le Vaucluse, mais, vu la localisation du nom de famille, il devrait y avoir une autre signification, au moins dans cette région. Peut-être un ancien prénom féminin d'origine germanique (cf. les noms italiens Orenga et Orengo).

 

C'est assez décevant, et il faut donc faire un autre type de recherche...


Jusqu'au XIème siècle, les personnes étaient nommées par un simple nom de baptême.

Dans les siècles qui suivent, l'explosion démographique amène à l'ajout d'un surnom pour éviter les confusions et bien différencier les personnes.

C'est ce surnom qui sera ensuite à l'origine du nom de famille que chacun porte aujourd'hui.

Le surnom fait souvent référence à un lieu, un métier, une particularité physique, etc.

Parfois il est issu d'un nom de paroisse ou d'un lieu-dit bien précis, ce qui permet de retrouver l'origine probable du nom de famille qui en découle en comparant avec les zones géographiques où le patronyme est apparu.

 

C'est aussi à partir des X & XIème siècles que les seigneurs ou hauts personnages détenant des terres ou un fief, ajoute le nom de ce lieu géographique à leur prénom (par exemple: Guillaume de Dampierre) et constituent la base des familles nobles.


Partant de ce constat, et sachant que la présence du patronyme ORANGE est fortement concentré sur la Normandie, on pense donc essentiellement à quatre sources pour trouver une origine possible à ce nom de famille.

  • La couleur
  • Le fruit
  • Un lieu géographique en Normandie ou à proximité immédiate
  • Une famille très ancienne

1/ La couleur:

Dans tous les dictionnaires, on trouve que le ton "orangé" fait référence à la couleur du fruit. Furetière l'écrit "orengé" dans son dictionnaire édité vers 1680. Les ouvrages traitant d'héraldique indiquent aussi "orengé" pour une teinte secondaire utilisée surtout dans les blasons britanniques.

Sachant que les accents sur les lettres n'apparaissent que tardivement, il est possible que ce que nous lisons "orenge" sur les actes anciens soit en fait prononcé "orengé", ce qui pourrait ouvrir une piste de recherche.

Toutefois, si la couleur était à la base de l'appellation d'une famille, comme c'est le cas pour Leblanc, Lenoir, Lerouge, Lebrun, qui font référence à une particularité physique, on devrait trouver une forte proportion de Lorengé ou Lorenger ou Lorenge, ce qui n'est pas le cas en Normandie mais qui se rencontre cependant dans le sud de la France.

 

Il est donc peu probable que la couleur soit à l'origine du patronyme ORANGE en Normandie.

 

2/ Le fruit:

Dès le moyen-âge, un fruit est consommé dans nos contrées sous le nom de "bigarrade"; c'est un fruit amer ressemblant au citron, d'abord connu des Perses sous le nom "naranj", puis des Arabes sous le nom "naranjah", et introduit ensuite dans les pays méditérannéens.

Puis les portugais, grands navigateurs, ramène en Europe au début du XVIéme siècle une variété au goût plus doux provenant de l'Inde et de la Chine, qu'ils nomment 'laranja", et qui sera à l'origine du fruit que nous connaissons de nos jours sous le nom "orange".

Dans les pays qui ont connu ce fruit avant l'ère chrétienne, on trouve aussi mention de "pomarancia" du latin pomum aurantium signifiant pomme d'or. Cette appellation est confirmée en hébreu par "tapouz" qui est une contraction de tapoua'h zahav signifiant aussi pomme d'or.

 

Si le fruit était à l'origine du patronyme ORANGE et faisait référence à une personne qui en cultivait ou en vendait, on devrait voir apparaître ce nom assez tardivement, d'abord dans le sud de la France et non essentiellement en Normandie. Ce n'est pas le cas, donc cette piste n'est certainement pas bonne.

 

3/ Un lieu géographique:

Un lieu particulier est souvent à l'origine d'un nom de famille: celui qui demeure près du moulin sera nommé Dumoulin, celui qui loge dans le bois sera nommé Dubois, ou celui qui habite près du pont sera nommé Dupont, etc...

La ville d'Orange dans le Vaucluse, connue depuis l'antiquité, n'a pas dérogé à cette règle, et l'on trouve la trace de quelques familles établies alentour avant la révolution portant les patronymes ORANGE, AURANGE, ... confirmant ainsi que ce nom de lieu a bien été à l'origine de la création de ce patronyme dans le sud de la France. On trouve aussi dans la même région LORANGE, LAURANGE, ... qui doit plutôt découler d'un teint coloré comme expliqué plus avant. Mais l'importance en nombre de ces familles est très faible par comparaison au nombre de celles vivant en Normandie à la même époque, et l'on comprend mal comment un déplacement massif  du sud vers la Normandie se serait produit.

Il faut donc chercher dans la zone où les porteurs du patronyme sont nombreux d'autres endroits où ce nom ORANGE apparaîtrait, désignant un village, un lieu-dit, un cours d'eau, où une particularité géographique.

 

Des recherches préalables dans des documents anciens ont permis de découvrir que le nom ORANGE était présent d'abord en Basse-Normandie et à l'est de la Bretagne avant de se propager en Haute-Normandie. En recherchant dans cette zone, on obtient plusieurs résultats:

  • On trouve une petite rivière, l'Orange, qui termine son cours tout près de Honfleur (14), mais qui ne concorde pas avec les lieux de présence des plus anciens ORANGE connus.
  • On trouve un ruisseau du même nom, qui se jette dans le Couesnon à hauteur du village de Vieux-Vy-sur-Couesnon, en amont d'un très vieux moulin nommé "le moulin d'Orange". nous sommes ici à la limite entre la Normandie et la Bretagne, sur cette fameuse rivière qui "dans sa folie, à mis le Mont en Normandie" (le Mont Saint-Michel bien sûr !)

Ce ruisseau est proche d'un lieu-dit et d'un ancien manoir qui porte encore le nom de Orange. Les divers renseignements liés aux plus anciens porteurs du patronyme laissent penser que c'est bien là le lieu d'origine recherché, comme on va le constater par ce qui suit.

signalisation moulin d'Orange

Sur place, de nos jours, sont clairement indiqués le lieu-dit d'Orange et son moulin. Lorsque l'on s'engage sur le chemin sans issue, on découvre d'abord les ruines du moulin du pont, ensuite le moulin d'Orange en contrebas d'une propriété privée et non visible du chemin, puis, en poursuivant la promenade jusqu'à la hauteur surplombant le Couesnon, l'entrée du domaine d'Orange et son manoir.

manoir d'Orange Vieux-Vy-sur-Couesnon

Ce manoir n'est pas visible sans pénétrer dans le domaine privé, mais il figure à l'inventaire général du patrimoine culturel d'Ile-et-Vilaine, qui précise qu'il a remplacé l'ancien manoir depuis la fin du 19ème siècle. Il est noté qu'une belle croix en pierre de lave provenant du Puy-de-Dôme et datant aussi du 19ème siècle se dressait près du manoir ; celle-ci se trouve dorénavant dans le cimetière sur la sépulture de la famille Dorange. Elle avait été offerte à Magloire Dorange, avocat, par les soeurs de Clermont-Ferrand

château d'Orange Saint-Jean-sur-Mayenne

On trouve encore, près de Saint-Jean-sur-Mayenne, à 8km au nord de Laval, un château nommé le château d'Orange, construit en surplomb d'une boucle de la rivière Mayenne, à l'emplacement d'une ancienne motte féodale.

On apprendra plus loin que ce lieu a appartenu très anciennement à la même famille que celle vivant à Vieux-Vy-sur-Couesnon, citée ci dessus.

4/ Une famille très ancienne:

le moulin d'Orange Vieux-Vy-sur-Couesnon

 

La lecture du livre "Histoire de Bertrand du Gesclin et son époque" nous apprend que, lors de la guerre de 100 ans, en l'année 1354, il a sous ses ordres un dénommé Jean Paynel, seigneur d'Orange en Bretagne. Un commentaire dans ce livre nous indique que le dit fief d'Orange était situé à Vieux-Vy-sur-Couesnon, paroisse où Bertrand du Guesclin avait un moulin qu'il tenait de sa mère Jeanne Malemains. Ce moulin est cité dans les archives du Mont-Saint-Michel comme fabriquant du papier.

Les nombreux récits détaillés sur la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier en 1488 citent également cette terre d'Orange, alors propriété  de la famille Chateaubriant, qui servit au campement des troupes bretonnes les jours précédant la bataille.

Un commentaire issu d'un bulletin de la Commission historique et archéologique de la Mayenne consulté sur Gallica confirme ce qui vient d'être dit:

"La famille d'Orange tire son nom de la terre d'Orange située dans la paroisse de Saint-Aubin en Bretagne, elle est connue dès l'an 1158 en la personne de Guillaume d'Orange qui paraît au rang des nobles et personnes de qualité qui accompagnèrent le baron de Mayenne au voyage d'outre-mer et dont les descendants eurent emploi sous les seigneurs de Laval aux siècles 1300 et 1400. On voit dans le trésor de Laval que Guillaume d'Orange fils de Robert et de Marie du Gesclin, commandait 600 hommes d'armes en 1400 sous Guy XII et fut présent en 1404 au contrat de mariage de Jean de Montfort, sire de Kergolay, avec Anne, unique héritière de Guy XII. Cette famille prit fin dans celle de Chateaubriand par le mariage de Marie d'Orange vers l'an 1450 avec Bertrand de Chateaubriand, 2eme du nom, seigneur de Beaufort.

Armes: Pallé d'argent et de gueules de 6 pièces à la bordure de sable chargée de 8 oranges d'or"

 

Ceci recoupe ce qui vient d'être décrit sur le "lieu géographique", et d'autres recherches vont permettrent de retrouver de multiples traces de cette famille, qui, à partir de ce fief d'Orange, a essaimé de plus en plus loin à travers la Normandie et même jusqu'aux Antilles.

 

5/ Conclusions:

Le nom d'un ancien fief nommé Orange, près de Vieux-Vy-sur-Couesnon, est bien à l'origine du patronyme ORANGE porté dans le quart nord-ouest de la France, après avoir donné ce nom à la famille qui tenait ce fief.

On va trouver en suivant beaucoup de renseignement pour confirmer cette conclusion.

 

...

Traces anciennes du patronyme ORANGE

 Après 1600, la lecture des registres paroissiaux permet de retrouver de nombreux actes concernant des porteurs du patronyme, mais préalablement il faut parcourir des documents plus anciens pour en apprendre davantage.

 

Voici quelques mentions du patronyme dans des documents anciens, classées par ordre chronologique:

 

1143: Radulfe ou Raoul d'ORENGES figure comme témoin dans une donation faite par Raoul de Fougères à l'abbaye de Savigny. Il figure également comme témoin dans une chartre en faveur de l'abbaye de Savigny en 1151 puis encore dans une nouvelle chartre en faveur de l'abbaye de Rillé en 1164, puis de nouveau dans une donation en faveur de la même abbaye en 1194, cette dernière étant confirmée par Raoul de Fougères.

1152: Une bulle du pape Eugène III confirme la donation par Guillaume (fils) d'ORENGE de sa terre de La Lande à l'abbaye de Savigny. Savigny est situé au sud de Saint-Hilaire-du-Harcouët (50)

1158: Guillaume d'ORENGE accompagne Geoffroy de Mayenne dans une croisade en Judée.

Tous les deux tiennent une terre seigneuriale près de Laval en Mayenne. 

1173: Guillaume d'ORENGE figure parmi les défenseurs de Dol de Bretagne, assiégé par le roi d'Angleterre.

1225: Guy d'ORENGES avec d'autres seigneurs ayant rejoint à Nantes le duc Pierre Maucler, est témoin des accords passés pour fonder la ville et le château de Saint-Aubin-du-Cormier, dans le but de protéger la Bretagne contre les actions du roi de France.

1257: Geoffroy d'ORANGE tient un fief de 15 acres, nommé Tennement-ès-Oranges, au sud d'Avranches.

1279: Yves d'ORANGE vend à l'abbaye de Saint-Etienne (Caen) une rente en froment à prendre à Cheux (14)

1292: Dans le rôle de taille à Paris, sous le règne de Philippe le Bel, sont mentionnés:

  • Estienne ORENGE, rue neuve
  • Richard ORENGE, rue neuve
  • ORENGE, au coin de la Savonnerie
  • Marie d'ORENGE, hôte de l'hôpital
  • ORENGE la breite (la breite = la bretonne)

Pendant la guerre de Cent ans (1337 à 1453), les seigneurs d'ORENGES sont alliés du roi de France pour se battre contre les Anglais. Dans le cadre de l'ost, le "service militaire" que chaque vassal doit à son seigneur, des revues sont régulièrement organisées permettant aux chefs de guerre de présenter à leur suzerain toutes les forces qu'ils peuvent mettre à son service. Ces revues sont appelées des "monstres". C'est ainsi que l'on continue de suivre la famille d'ORENGES à la faveur des documents suivants:

1371: Jehan et Guillaume d'ORENGES figurent parmi les 27 chevaliers qui accompagnent Messire Bertrand du Guesclin, connétable de France, lors de la monstre tenue à Pontorson (tout près du Mont Saint-Michel) le premier jour de mai.

1371: Jehan d'ORENGES figure à nouveau dans les participants à la monstre tenue à Bourges le premier du mois de juin, et à nouveau devant Caen le premier jour d'août, toujours dans la compagnie de Bertrand du Guesclin.

1380: Guillaume d'ORENGES est cité comme écuyer dans la monstre de Guyon de la Vallée le premier jour de juin à La Guerche. Il est cité de nouveau dans la compagnie de Jean Chorsin le premier jour de septembre de la même année, toujours à La Guerche.

1386: à Mantes, le 03 septembre, présentation au roi de la monstre de Jehan de Landevy, de la baronnie de Mayenne, dont:

  • Ambroys d'ORENGE
  • Guillaume d'ORENGE
  • Jehan d'ORENGE alias "de la Folie"
  • Jehan d'ORENGE
  • Michel d'ORENGE

1391: Guilbourde d'ORENGE, abbesse de l'abbaye Saint-Sulpice de Rennes y décède le 01 avril.

1398: d'ORANGE de CANVERS, famille noble originaire de Normandie, cité dans l'histoire de la maison d'Harcourt.

Un de ses membres, Jean d'ORANGE, et Jeanne de CHASSEGUAY sa femme, plaident en l'échiquier contre Guillaume de Pontbellenger.

1399: Aveu rendu le 06 septembre par Jean d'ORENGE au comte de Mortain pour son fief de Chasseguey, à cause de Jeanne de CHASSEGUEY sa femme. Chasseguey est situé à 5km au nord de Saint-Hilaire-du-Harcouët (50)

1401: Jean d'ORENGE, chevalier, seigneur d'Orenge, rend aveu au duc d'Alençon pour la terre et seigneurie d'Orenge, dans lequel il confesse tenir en la paroisse de Vieux-Vy "les moulins, moulte, des troiz places et revenus d'iceulx, nommez les moulins d'Orenges et de beliart et de Soulebez". Ces trois moulins à papier sont les plus anciens connus en Bretagne.

1414: Jean D'ORENGE écuyer est nommé capitaine sous les ordres de Monseigneur le comte de Vendôme.

1419: à Alençon, le bâtard d'ORANGE se bat contre un anglais, Richard HANTLEY, dans un "gage de bataille". Vaincu, il donne un diamant à HANTLEY pour prix de sa victoire.

1419: Jean ORANGE est cité dans le registre des dons, confiscations maintenues et autres actes faits dans le duché de Normandie de 1418 à 1420 par le roi Henri V d'Angleterre, à la date du 03 mars, comme attributaire d'un office d'avocat et conseiller du Roi en la ville de Vire.

1419: Guillaume d'ORENGE accompagné de 16 écuyers est reçu à Melun par le roi Charles VI.

1422 à 1425: plusieurs sources citent Jean ORANGE (ou Jehan ORANGE le jeune) comme lieutenant en la vicomté de Vire de noble homme monseigneur le bailli de Caen.

1427: Cully-en Bessin, Richard, Philippe et Barnabé ORENGE, frères, prennent en fief des religieux du Plessis un ménage et diverses pièces de terre.

1469: Mention à Vieux-Vy de Marie d'ORENGE épouse de Bertrand de Chateaubriant, seigneur de Beaufort et du Plessis-Bertrand.

1488: Colin d'ORENGE figure dans le rôle de la monstre de 313 hommes faite le 24 juillet à Fougères sous la charge de Pierre de Feuguerolles, leur capitaine.

1489: Georges d'ORANGE, seigneur de La Feuillée fonde la chapelle sise en son château.

1590: prise de Mayenne le 05 avril par un groupe de seigneurs ligueurs, dont Georges d'ORENGE seigneur de la Feuillée et de la courbe, dernier mâle de la maison.

1605: Guillaume d'ORANGE est baptisé à Cherbourg le 16 avril. venu aux Antilles en 1628 à bord de l'Olive, il passe à la Guadeloupe en 1635, puis à Marie-Galante et enfin à la Martinique vers 1650 où il sera tué le 20 juillet 1674 lors de l'attaque de Fort Royal par les indigènes. Il est un ancêtre à la 5ème génération de Joséphine Tascher de la Pagerie, qui deviendra impératrice des Français.

1653: par lettres patentes enregistrées en la Cour des Aides de Rouen le 11/08/1656, est anobli Nicolas d'ORANGE, sieur des Roches. La confirmation de noblesse est enregistrée au même lieu le 18/05/1679.

Né à Cherbourg, brigadier des armées du roi sous Louis XIV, il deviendra gouverneur de l'Hôtel des Invalides.

1666: François d'ORANGE, de la paroisse de Saint-Jores (50) justifie de sa noblesse par 4 degrés. Dans le même document est cité Richard d'ORANGE, écuyer, sieur du Hommée en 1641.

 

Dernières nouvelles :

 

02/07/2016:      Une récente publication de la Société d'Histoire et d'Archéologie du Pays de Fougères confirme avec beaucoup de détails tout ce qui vient d'être dit sur le lieu-dit d'Orange et ses occupants, et nous apprend que l'on peut même y trouver les vestiges d'un ancien camp romain ...

27/08/2017:      Une lectrice de cette page me fait part d'un élément complémentaire qui indiquerait la présence d'un lieu nommé Orenge dans le Pays de Caux.
Dans son ouvrage de 1980 intitulé "Les Calètes dans la région de Fécamp", Robert Soulignac, fait référence à un lieu nommé "la cité d'Orenge" dans un cartulaire du XIIéme siècle, et qu'il situe en lieu et place de l'oppidum du "Camp des Canadas" sur les hauteurs au sud-est de Fécamp (communes actuelles de Toussaint et Ganzeville).
Cette indication est reprise par l'architecte Gautier Bicheron dans un rapport AVAP établi en 2016 pour la Ville de Fécamp, où il cite Robert Soulignac ci-dessus comme source, et également sur le site de la commune de Toussaint, dans un article de 2014, non signé et non sourcé, mais qui semble être une adaptation de l'ouvrage de R.Soulignac.

Mais il s'agit simplement ici d'un lieu portant le nom Orenge comme il en existe d'autres en France, et auquel on ne peux rattacher aucune famille ORANGE ayant vécue à cet endroit.

On peux noter que le site d'Orange à Vieux-Vy-sur-Couesnon est lui de façon certaine un ancien oppidum romain ; n'y a t'il pas une confusion dans la rédaction ou la lecture du cartulaire cité ci-dessus ?


carte présence ORANGE en Normandie

Quelques dates et lieux repris dans la liste ci-dessus et reportés sur une carte permettent de visualiser la migration du nom ORANGE à travers la Normandie jusqu'aux années 1600.

On constate une tendance générale à une extension vers le nord-est, à travers la Manche et le Calvados, avant d'aboutir dans les limites du Pays de Caux, en Seine-Maritime, vraisemblablement par les ports côtiers de Fécamp, Saint-Valéry et Dieppe.

...

Les variantes du patronyme

Avec la création du livret de famille en 1877 en France, les patronymes sont pratiquement fixés.

Auparavant, on rencontre souvent des variantes dans l'écriture du nom de famille, et ces variantes deviennent de plus en plus nombreuses lorsque l'on s'éloigne de la période actuelle. La plupart des paysans cités dans les actes paroissiaux ne savent ni lire ni écrire, et le nom est donc écrit dans les actes selon ce que le curé entend ou croit comprendre, et lorsque des témoins d'une même famille signent ils n'emploient pas forcément la même orthographe ... Il s'ensuit des variantes du patronyme parfois étonnantes.

 

Dans le Pays de Caux, plus particulièrement étudié, on constate ceci:

On commence par trouver le nom écrit majoritairement ORENGE jusqu'aux années 1600.

Entre 1600 & 1800, on trouve un mélange d'écriture entre ORENGE & ORANGE.

Depuis 1800 à nos jours, le nom est écrit principalement ORANGE. La forme ORENGE s'est maintenue autour de la commune de Raffetot et à perdurée.

 

Dans la période 1600 à 1800, il arrive que le nom soit écrit ORRANGE ou ORRANGES et bien sur aussi ORRENGE et ORRENGES.

 

Quelques variantes ont aussi été rarement rencontrées, telles AURENCHE, AURENGE, HORANGE.

...

Les variantes proches ou faux-amis

On rencontre dans le Pays de Caux des noms de famille d'une consonance proche de ORANGE et qui peuvent être confondus.

 

DORANGE ou DORENGE, DORRANGE, DORRENGE

On trouve une souche importante de porteurs de ce patronyme dès les années 1600 sur Trouville et Grandcamp, de religion protestante. Cette famille s"établit ensuite sur Lillebonne et essaime alors sur la pointe de Caux. On trouve aussi une souche à la même époque dans les paroisses autour de Dieppe.

Il est probable que l'on trouve là une "avant-garde" des ORANGE venue du Cotentin jusqu'à Dieppe à une époque antérieure à 1600 où le nom porté dans le lieu d'origine était encore souvent d'ORANGE, mais il est impossible d'établir un lien précis. Ces "probables cousins" sont donc exclus des recherches faites dans le Pays de Caux.

 

LORANCHE ou LORENCHE

Ce nom apparaît dans la région vers 1750.

On trouve par exemple un Louis LORANCHE marié le 15/04/1755 à Saint-Maclou-la-Brière, et dont la descendance porte ce nom. Lorsque l'on remonte son ascendance, on constate que ses nombreux frères et soeurs ont été baptisés avec un patronyme phonétiquement voisin, soit LAURENCE, LORANCE, LAURANSE, LAURANCE, pour remonter ensuite à LAURENCE ou LAURENS.

Ce patronyme n'a donc pas de lien avec les ORANGE du Pays de Caux.

 

ORANGER ou ORENGER

Entre 1836 et 1881, on trouve à Rouen une famille portant ce nom.

Il pourrait s'agir d'une déformation de ORANGE, mais en fait, lorsque l'on remonte l'ascendance, on retrouve que la personne à l'origine de cette famille est un enfant naturel né en 1780 à La Lande-Patry (61) à qui l'on a donné le surnom ORANGE à la naissance.

A son mariage, ce dernier est nommé ORANGÉ, puis le nom est ensuite écrit ORANGER ou ORENGER dans tous les actes établis à Rouen.

Ce patronyme n'a donc pas de lien avec les ORANGE du Pays de Caux.

 

ORANGE

Il est curieux de constater qu'entre 1830 et 1880, plusieurs enfants abandonnés aux hospices de Rouen et du Havre ont reçu ce patronyme pour nom de famille, sans explications.

Bien que portant le même nom, ces personnes et leur descendance ne peuvent être rattachées aux familles étudiées.

 

ORENGO

On trouve quelques trace de ce patronyme dans le Pays de Caux, mais l'origine de ce nom est située au sud de la France.